UN PORTRAIT
Valérie Bertrand
Mon éditeur m’offre cette page pour m’exprimer librement, sur le sujet de mon choix. Je pense d’abord à me présenter et l’idée de cette photo me vient. C’est un portrait de moi, certains jours, lorsque je suis éparpillée, close et que j’ai presque froid. Elle me dépeint assez bien, pas trait pour trait mais presque. J’écris parce que le mot est en moi. Il me suffit de décrire l’écho d’une image et la phrase est là. L’effet est magique, addictif. Chercher encore et encore à décrire ce qui me submerge. Voilà pourquoi il faut écrire, pour être libre, pour faire de la place, pour avoir assez d’espace dans son propre cœur pour respirer à pleins poumons. Respirer les autres. Je les respire tant que je peux, j’affiche un sourire rassurant, et j’observe du coin de l’œil les blessures, les fêlures, les failles, et les images arrivent et les mots me remplissent.
Écrire c’est parler au creux de l’oreille d’un inconnu. C’est laisser l'autre lire ce qu’on s’est dit à soi-même, dans le secret de nos murs. Être partout et nulle part. Entasser les voix des cœurs qu’on entend, et ça finit nécessairement comme une vague déferlante, des mots sur une page pour être certaine qu’on n’oubliera pas ce qu’on a ressenti, une seconde, des heures, un jour. Nos danses dans le couloir, je l’ai écrit comme on décrit un tsunami. Dans l’urgence, celle des mots, amassés dans un sac qui devenait trop lourd, je l’ai ouvert, tout a débordé, enfin libérée des douleurs croisées, le livre est né. Nos danses dans le couloir c’est ce que j’ai vu, et ce que je crois de ce que nous sommes. La douleur en fil conducteur, sa forme, son intensité, sa couleur, son rythme, cette présence invisible qu’on a dans le sang lorsque celui qu’on a dans la peau s’éloigne. Comment la douleur naît, chemine et s’épuise comme un être vivant.